Vous est-il déjà arrivé d’avoir l’impression de rêver, de vous pincer (ou pas) et de réaliser : non, tout ceci est la réalité ? Tu vis un rêve éveillé, tu es bien dans le présent, en train de vivre ta meilleure vie. C’est ce qui m’est arrivé dans cette merveilleuse histoire vécue que je vais vous raconter.
Mars 2011. Cela faisait un peu plus d’un mois que j’avais emménagé dans mon nouvel appart, mon tout premier appart. Un deux pièces très sympa dans le 15ème. Mais là n’est pas le sujet.
Un samedi tranquille, en fin de matinée, nous faisons notre tour habituel des boutiques avec Bob. Nous entrons dans l’une de nos boutiques culte du 13ème. Le magasin est loin d’être le plus intéressant, nous savons que ce n’est pas là que nous allons pouvoir faire des affaires. Si nous y allons, c’est pour profiter de l’ambiance désuète de la boutique restée bloquée dans les années quatre-vingt-dix et pour discuter avec le patron, pure caricature du commerçant chinois qui parle mal le français avec un accent très prononcé, qui te regarde d’un œil mauvais si tu fais un geste suspect, qui te traite de « petit con » si tu ne lui plais pas et qui va régulièrement dans la petite salle d’eau derrière son comptoir pour cracher des gros molards. Mais n’oublions pas que si nous faisons la tournée des magasins, c’est dans l’espoir de trouver quelques perles rares.
Si les cartes intéressantes (prismes Super Battle ou Visual Adventure par exemple) qui sont dans son classeur sont inaccessibles car trop chères (quoiqu’aujourd’hui, le prix serait peut-être dans les normes actuelles), il aime quand même nous parler de son album, pour avoir le plaisir de nous dire « je ne te montre pas ces cartes, c’est trop cher pour toi ». Il aime aussi nous surprendre. De temps en temps, il part quelques minutes dans son arrière-boutique pour nous apporter des tas de cartes en vrac. Il y a toujours quelque chose à prendre !
Mais ce jour-là, nous sommes vraiment passés à un autre niveau. À peine la porte d’entrée franchie, il nous dit : « attendez-moi dehors ». Bob et moi sortons de la rue et le vendeur nous rejoint après avoir fermé la porte de sa boutique à clé. Nous traversons deux rues et il nous mène à un salon de coiffure. Une fois à l’intérieur, nous comprenons que c’est le commerce de sa sœur. Nous le suivons derrière le comptoir. Il se baisse, soulève une trappe et descend des escaliers métalliques en colimaçon. Une fois en bas, c’est avec stupeur que nous découvrons ce qu’il y a au sous-sol.
Nous nous retrouvons dans une cave remplie de tables, dans ce qui ressemble à un sweatshop (cela ne nous aurait pas étonnés d’y trouver des travailleurs clandestins, en tout cas c’est sûr qu’il y en a eu un jour). Au fond de la pièce se trouve ce que voulait nous montrer le commerçant.
Nous faisons face à une bonne dizaine de vending machines de Carddass poussiéreuses. Cela faisait plus de dix ans qu’elles étaient là, qu’elles attendaient au fond d’une cave d’être secourues. Elles étaient nues : pas de stickers, pas de displays, si ce n’est l’une d’entre elles, avec un display pop Sailor Moon encore collé au-dessus.
J’en choisis une, celle avec le display Sailor Moon et le porte-clé Zangya, Bob en prend deux, puis nous nous rendons au magasin. Les distributeurs étant lourds de base, ils sont en plus vissés à un meuble en métal qui rend leur manipulation difficile. Une fois de retour chez le vendeur, c’est le moment de discuter prix. Cinquante euros la vending machine. C’est-à-dire absolument rien. C’était une somme assez importante pour moi à l’époque, étant en plein milieu de mes études, mais j’ai directement sorti ma VISA Electron. J’ai tout de même réussi à inclure dans ce prix quelques goodies que j’avais repérés en entrant dans le magasin. Bob, comme il en a pris deux et qu’il avait déjà fait des gros achats ici (on connaît Bob no limit), il les a eues à moins de cinquante euros la machine.
Une fois nos trésors payés, nous nous séparons. Bob rentre dans sa Bob-mobile et moi je me dirige vers le métro. Le trajet jusqu’à chez moi n’est pas trop compliqué bien installé dans une rame, mais les six-cent-cinquante mètre qui séparent la bouche de métro à la porte de mon immeuble ont été ardus.
À la maison, c’est avec impatience que j’ouvre le distributeur. Et c’est avec surprise que je trouve un nombre important de cartes, toujours installées dans le toboggan de distribution. Et je trouve également des pièces de deux francs dans la caisse à monnaie, mais je les avais entendues lors de mon trajet. Bob n’a pas eu la même chance, les siennes étaient vides.
Les cartes en question sont des Carddass des parts 23 et 24. Que des regulars. Cela prouve donc qu’à l’époque, les boutiques françaises ne mettaient que les regulars dans les machines et vendaient les prismes directement en classeur.
Bien sûr, j’essaie d’utiliser la machine, mais comme elle n’avait pas fonctionné depuis plus de dix ans, je n’arrive pas à la faire marcher. Je la dévisse difficilement de son support métallique, les vis étant rouillées. Après nettoyage du conduit de distribution et de la courroie, j’arrive à peu près à la faire fonctionner, mais pas totalement. J’aurais pu aller plus loin mais comme je ne suis pas bricoleur, j’avais peur de faire une bêtise et, de toute façon, le jour où je veux qu’elle fonctionne, je pourrai m’y remettre. Je m’occupe surtout de la tâche prioritaire, qui est le nettoyage de l’extérieur. Après une grosse heure de frottage, j’arrive enfin à la rendre attrayante. Elle est jaunie, mais ce n’est pas grave.
Et c’est ainsi que j’ai obtenu ma vending machine ! Ahlala, cette période parisienne, que du bonheur.