Dessin et adaptation : Suehiro Maruo d’après un roman de Ranpo Edogawa
Année de première publication au Japon : 2008
Date de sortie en France : 21 avril 2010
Nombre de tomes : 1
Éditeur japonais : Enterbrain
Éditeur français : Sakka
Synopsis :
Hirosuke Hitomi est un écrivain qui galère. Il n’arrive pas à se faire publier et vit dans la pauvreté. Il a un rêve dans la vie, malheureusement inaccessible pour lui, qui est de construire une sorte de jardin d’Eden en plein monde moderne, un endroit dans lequel tout le monde serait heureux et vivrait à poil sous des chutes d’eau paradisiaques. Lorsqu’il apprend la mort du fortuné Genzaburō Komoda, un de ses amis d’université à qui il ressemblait comme deux gouttes d’eau à l’époque, un plan machiavélique lui vient à l’esprit : prendre la place du défunt, le faire ressusciter et profiter de sa fortune pour réaliser son fantasme architectural.
Mon avis :
Il s’agit de ma seconde incursion dans l’univers sordide du blogueur influent Meloku, dont vous pouvez lire les publications sur Nostroblog (Bonne Nuit Punpun ne compte pas, j’ai découvert ce manga lors de l’une de mes expéditions à la Fnac Montparnasse). Il s’agit donc de ma première lecture d’une œuvre de Suehiro Maruo. Cependant, ce n’est pas ma première rencontre avec Ranpo Edogawa, outre le fait que Shinichi Kudo lui ait emprunté une partie de son pseudonyme. En effet, j’ai lu il y a quelques années son roman La Bête aveugle, qui est à placer à un niveau assez élevé dans l’échelle du dérangeant (un masseur aveugle réussit après un harcèlement quasi-incessant, à faire venir chez lui une célèbre danseuse. Elle se laisse enfermer avec lui dans sa cave sans lumière, et découvre un univers sensuel qui lui était jusqu’alors inconnu). J’ai également vu au cinéma quelques années auparavant le film Inju, la bête dans l’ombre de Barber Schröder, inspiré d’un autre roman d’Edogawa, dont il me reste peu de souvenirs, à part quelques images et une ambiance. Je possède le roman original, que je n’ai pas encore lu (ça sera pour bientôt peut-être).
L’Île Panorama est plutôt soft par rapport à ce que j’ai déjà vu et lu d’Edogawa, et je m’attendais à une œuvre légèrement plus choquante au regard de ce que j’avais lu sur Maruo et de ce que j’avais vu en feuilletant d’autres de ses ouvrages (surtout New National Kid). Il n’empêche que c’est un manga très agréable à lire, magnifiquement dessiné, et qui pose une question essentielle : pourrais-je être prêt à quitter ma vie pour prendre celle d’un autre dans le but de réaliser mon rêve ? Pour moi, la réponse est non, mais pour Hirosuke, le personnage principal de l’œuvre, la réponse positive est apparue sans la moindre hésitation.
On suit ce personnage de l’apparition de son idée machiavélique à sa réalisation, en passant par l’échange d’identité et le croisement entre son monde qui est celui de monsieur Tout-le-monde et celui de la famille Komoda, grande lignée de riches industriels. Hirosuke n’a pas été en contact avec Genzaburō depuis des années, il n’a donc aucune idée de la façon dont se comportait feu son ami avec ses proches et ses subalternes, la manière dont il gérait ses affaires ou son attitude au quotidien. Notre héros va alors essayer de s’adapter à ce milieu qui lui est étranger en évitant de commettre des impairs. Et comme nous lecteurs prenons généralement le parti du personnage principal, surtout qu’ici ce dernier ne fait pas vraiment quelque chose de mal (il adopte l’identité d’un mort et profite de l’argent d’une famille qui en possède énormément), il nous arrive à certains moments de sentir le stress monter, Hirosuke va-t-il se faire prendre, ou bien va-t-il réussir à éviter les obstacles qui se dressent sur son chemin ?
Ce n’est pas un secret, il parvient à réaliser son rêve. Mais à quel prix ? Ne plus être soi-même et changer le destin d’une famille et d’un empire industriel sont des compromis, n’est-ce pas un peu fort pour obtenir en échange l’aboutissement d’un rêve égoïste, qui au final n’est qu’une envie parmi d’autres ? Est-ce que Hirosuke va pouvoir profiter de son œuvre ? La fin brutale du manga laisse ces questions sans réponses. Ce n’est pas le souci de l’auteur, c’est au lecteur de se débrouiller avec ses propres interrogations morales.
En tout cas, il s’agit d’une très bonne lecture et un moyen d’entrer en douceur dans l’univers de Suehiro Maruo. Comme je l’ai dit plus haut, le dessin est excellent, la mise en scène est également très bonne, l’organisation des cases et l’angle de vue, ainsi que certaines distorsions accompagnent le sentiment du lecteur. L’île paradisiaque est magnifiquement représentée, elle dépeint à merveille l’image que l’on peut se faire de ce type d’endroit. Sauf que l’auteur, lui, arrive à la poser sur papier.
À noter une apparition de Kogoro Akechi, le personnage phare des œuvres d’Edogawa, et qui a donné son prénom au fameux détective privé dans le manga Detective Conan, Kogoro Mouri. Mon esprit déviant obsédé par le manga de Gōshō Aoyama a réussi à trouver un hommage (à moins que cela ne soit une référence commune) à Detective Conan dans L’Île Panorama. En effet, la représentation que fait Maruo de Kogoro Akechi ressemble à l’illustration du même personnage par Aoyama publiée en annexe du deuxième volume de Detective Conan. Même si les styles grapiques sont différents, la coiffure est très proche.
Voilà, c’est tout pour ce manga qui va entraîner chez moi un besoin de découvrir d’autres œuvres de cet auteur et d’autres auteurs du même genre.
J’ignore qui est le premier à représenter graphiquement Akechi, mais je pense qu’il doit y avoir une référence commune.
J’ai beaucoup aimé ce manga car Maruo y développe son utopie. Il présente des éléments grotesques propres à Edogawa et un esthétisme issu des Jardins des délices de Bosch. Il y reprend plusieurs tableaux et sculptures pour nous faire part de son idéal (Le sommeil de Courbet, L’île des morts de Bocklin, Ophélia de Millais etc.).
Enfin bref, content que le manga te plaise ! Pour la suite, je te recommande Vampyre 🙂
Et merci pour tous ces liens, j’en oublie les politesses :3
Bien vu pour la référence flamande !