Un mercredi d’octobre 1994.
Ton épisode hebdomadaire de Dragon Ball va commencer. Tu t’installes bien tranquillement dans ton canapé, un Tang à l’orange dans la main, quand tout à coup ton facteur dépose dans ta boite aux lettres le courrier d’invitation de Kévin, ton meilleur ami de l’époque, qui t’invite à son anniversaire, et qui pour l’occasion a dessiné sur le carton un « magnifique » Son Gokū avec en fond une sorte de lézard vert qui te fait vaguement penser à Shenron. Tu es ravi, car tu sais que la fête sera grandiose, mais tu es très loin de te douter qu’au même moment, à plus de 10 000 km de là au Japon, un événement similaire d’une toute autre ampleur est en train d’être organisé.
Déplacement instantané oblige, nous voici donc au Japon, et plus précisément à Tokyo (une des cinq villes à organiser l’événement avec Osaka, Nagoya, Sapporo et Fukuoka). Nous sommes le 9 octobre 1994, le premier jour d’ouverture de l’exposition, en début d’après-midi, et nous suivons le petit Shinji, huit ans, ayant été tiré au sort après avoir renvoyé un bulletin de participation (avec ses coordonnées et la ville où il souhaitait vivre l’événement), récupéré dans un des deux derniers Weekly Shōnen Jump du moment (no.41 et 42). Il s’avance avec son père d’un pas décidé vers l’exposition du Carddass Super Museum ’94 avec sa Carddass Invitation dans la poche (reçue par courrier), faisant office de billet d’entrée.
Il est très impatient et sait qu’il a de la chance, car seuls sept-mille-cinq-cents chanceux (mille-cinq-cents personnes par ville) à travers tout le Japon peuvent participer à cet événement insolite qui proposera des goodies uniques et limités, ainsi que les dernières news à la mode sur ses mangas préférés. Son père a bien entendu le droit de l’accompagner et c’est ensemble qu’ils pénètrent dans l’antre du bonheur et de la tentation après avoir fait tamponner leur carte au verso sur le petit rectangle prévu à cet effet (numéro 728).
Shinji et son père se mêlent donc aux centaines de visiteurs déjà présents et passent sous une immense mappemonde de couleur bleue avec écrit en gros « Weekly Jump Character Carddass Super Museum ». Une hôtesse leur offre un catalogue avec l’ensemble des objets Carddass exposés. Shinji y reconnait d’autres licences phares du moment que sont Slam Dunk ou Yū☆Yū☆Hakusho, que ce dernier suit assidument toutes les semaines à la télévision. Le décor est planté, il est temps de profiter du moment comme il se doit.
Quelques jours plus tôt, Shinji avait découpé dans le Weekly Shōnen Jump toutes les informations relatives à l’exposition. Il sait donc ce qui l’attend, et espère repartir de l’événement avec quelques objets limités. Il passe devant un mur de plus d’une cinquantaine de tableaux d’exposition, retraçant l’intégralité de toutes les licences Carddass sorties à ce jour. Il y reconnait bien sûr ses séries préférées (Dragon Ball, Slam Dunk et Yū☆Yū☆Hakusho) et découvre d’autres licences qu’il connait un peu moins comme Tottemo! Luckyman ou encore Jungle King Tar-chan. Il reconnait aussi Pretty Guardian Sailor Moon avec ces jolies filles aux tenues colorées. Ses yeux d’enfant sont émerveillés devant tous ces trésors qu’il aimerait posséder et se remémore ses parties de Carddass avec ses camarades de classe et l’excitation de trouver la carte de ses rêves après avoir inséré sa pièce de vingt yen et tourné la précieuse molette de la vending machine provenant du konbini près de chez lui.
Il remarque tout à coup une file d’attente d’une vingtaine de personnes à une dizaine de mètres de lui. Il reconnait tout de suite les vending machines de son konbini, mais trois d’entre elles retiennent toute son attention. En effet, il ne reconnait pas les cartes présentées et à sa grande surprise, il apprend par un des visiteurs devant lui qu’il s’agit de la toute dernière part Carddass, la fameuse part 20 avec le combat de Vegeta contre Boo. D’autres vending machines présentant les anciennes parts sont également présentes, mais Shinji s’est focalisé sur celles de la part 20. Il veut absolument avoir une des cartes prismes de la part, quelles qu’elles soient. Il entend devant lui un cri de joie suivi d’un « Majin Vegeta » provenant d’un des visiteurs ayant récupéré une carte prisme, la numéro 151 représentant Majin Vegeta tenant dans ses bras son fils Trunks. Shinji est un peu jaloux et espère que la chance va lui sourire. C’est au tour de notre petit protégé de tourner la molette sous les yeux plein de tendresse de son père qui lui tend deux pièces de vingt yen. La main moite, Shinji introduit sa première pièce dans la vending machine et tourne la molette pour en faire sortir la carte. Il aime ce bruit si caractéristique du tapis de la machine et prie pour obtenir un des saint graal. La carte sort, et c’est à moitié déçu qu’il constate qu’elle n’est pas prisme. Cependant, la carte est magnifique et représente le sacrifice de Vegeta face à Boo (no.153). Il mise tout sur cette dernière pièce. Il refait tourner la molette et ferme les yeux pour faire durer le suspense. Il n’ose pas les rouvrir, quand tout à coup son père s’esclaffe. Shinji rouvre les yeux et aperçoit une carte prisme représentant Son Gokū en Super Saiyan 3 (no.154). Il laisse éclater sa joie et se jette dans les bras de son père tout ému. Il ne peut s’empêcher d’admirer cette carte qu’il trouve magnifique. Il se souvient avoir lu que deux nouvelles cartes un peu spéciales et limitées à l’événement seraient disponibles dans les vending machines, et c’est avec joie qu’il constate qu’il en possède une sur les deux. En effet, le prisme soft a laissé place à un prisme hard spécialement pour l’occasion et la carte est reverse. Il s’empresse de décoller la carte pour apercevoir au verso la moitié d’une frise représentant les différentes transformations de Son Gokū. C’est avec fierté et sous les regards attendrissants des visiteurs derrière lui que Shinji continue la suite de sa visite.
Il passe très vite devant la vending machine speciale Jumbo Locatest, la seule du salon. Il y a trop de monde et Shinji n’a pas envie de perdre trop de temps. Il sait que les cartes sont beaucoup plus grandes que des Carddass normales, que c’est une nouvelle collection en phase de test et que selon l’engouement du public, une possible commercialisation verra le jour.
Il file rapidement au stand « Card Battle », qui lui permet de faire des matchs Carddass contre des animateurs du salon. Chaque victoire permet de remporter un jeton, qui peut ensuite être échangé contre un lot. Il a pour objectif de gagner quinze jetons qui lui permettraient de récupérer le set de Limited 6000, un des objets qu’il convoite le plus de tout le salon. La plupart des animateurs jouant contre Shinji n’opposent pas grande résistance (en effet il passe son temps libre à élaborer des stratégies Carddass et est l’un des plus forts de son école), tant et si bien qu’au bout d’une vingtaine de parties et une heure et demie plus tard il parvient à récupérer les quinze jetons tant convoités. Arrivé au stand d’échange de jetons, il s’aperçoit qu’un autre lot attire son attention. En effet, la super Jumbo limitée à deux-mille exemplaires contre dix jetons lui fait également de l’œil. Cependant, Shinji ne perd pas son objectif de vu et repart avec son set de Carddass Limited 6000.
Avec toutes ces cartes gagnées, Shinji a le devoir de les protéger et de les mettre en valeur dans un Carddass Station dédié. Il se rend donc à la boutique de goodies et demande à son père un « Premium System File ». Au nombre de quatre (Yū☆Yū☆Hakusho, Slam Dunk, Lucky Man et Dragon Ball), ces quatre Premium System Files, ou Carddass Station, ont la particularité d’être prismes. Ils ne sont disponibles que pour cet événement. Le choix de notre jeune garçon se porte naturellement sur le Dragon Ball.
Soudainement, à quelques mètres de lui, un des membres du stand « Card King » l’interpelle en lui expliquant que le numéro de son ticket peut lui permettre de gagner un lot. Tout excité à l’idée d’une récompense gagnée sans le moindre effort, il donne son numéro (728) et laisse la chance faire son œuvre. Elle lui a été utile puisque son numéro de ticket ressort sur un des gros lots mis en jeu, à savoir la Super Jumbo limitée à deux-mille exemplaires. Le père de Shinji n’en revient pas et notre jeune garçon doit se pincer plusieurs fois pour se convaincre qu’il ne rêve pas. Il s’assoit quelques minutes pour recouvrer ses esprits et s’imagine déjà montrer ses trésors à ses camarades de classe qui seront sûrement verts de jalousie.
Il est à présent 15h30 et le salon ferme dans deux heures. C’est à ce moment-là que Shinji décide de répondre au cinq dernières questions d’un questionnaire qui lui a été remis en même temps que sa Carddass Invitation par courrier. D’un total de cin quante questions, il a déjà répondu aux quarante-cinq premières chez lui, les cinq dernières étant affichées directement sur le stand « Card King ». Il a trente minutes devant lui pour répondre à ces cinq questions, la limite de participation étant fixée à 16h, pour un résultat du concours à 17h. Les questions ne sont pas faciles mais le jeu en vaut la chandelle puisque le visiteur ayant le plus de bonnes réponses se verra offrir une magnifique « Ingot Box » (une box dorée contenant les vingt premières parts Carddass). Il y a une box par jour à gagner, soit cinq au total correspondant au nombre de jours que dure l’exposition à Tokyo et vingt-cinq Ingot Boxes sur la totalité des villes accueillant l’événement. Shinji répond non sans une certaine appréhension aux cinq dernières questions et confie son questionnaire à un des membres du staff. Faites vos jeux, rien ne va plus.
Il est 17h et une foule de visiteurs se presse devant le stand « Card King », attendant fiévreusement le résultat du concours de cette première journée. Un membre du staff équipé d’un micro annonce le grand gagnant du concours. Malheureusement pour Shinji, ce n’est pas lui qui remporte le lot ultime du salon, mais un trentenaire avec un score de 50/50 et pour qui les goodies Dragon Ball n’ont plus de secret. Il peut toutefois être fier de lui puisqu’il obtient un honorable 35/50. Il est maintenant l’heure de partir. Mais avant ça, et pour remonter le moral de son fils, le père de Shinji a encore une surprise pour lui. Ils retournent tous les deux à la boutique de goodies et le papa attentionné achète le fameux fullset de la part 20 pour son garçon. En effet, tous les sets Carddass jusqu’à la part 20 sont disponibles à la vente mais il sait que son fils n’a d’yeux que pour le dernier en date. Shinji est aux anges et s’imagine déjà ranger ses cartes dans son nouveau Carddass Station prisme fraîchement acheté. Dans le métro le ramenant chez lui, Shinji se remémore ses péripéties de la journée et espère qu’il pourra revenir l’année prochaine pour l’édition ’95.
De retour en France, tu quittes la maison de Kévin après avoir passé un super moment d’anniversaire en sa compagnie. Tous tes copains étaient présents et tu te revois encore discuter des derniers épisodes de la saga Cell et regarder sur la cassette VHS de ton hôte la transformation de Son Gohan en SSJ2. Tu repars avec une superbe illustration de Son Gokū réalisée par le grand frère de Kévin qui est super doué en dessin que tu as gagné à un concours de questions autour de l’animé. Même si tu ne te doutes pas un seul instant qu’un grand événement autour de Dragon Ball s’est déroulé simultanément au Japon la même journée, tu n’en as cure, car tu as l’impression d’avoir été le plus chanceux du monde aujourd’hui et d’avoir pu discuter et partager ta passion autour de ton œuvre préférée qu’est Dragon Ball. Et ça, ça vaut tous les trésors du monde.
P.S. : le Weekly Jump Character Carddass Super Museum s’est déroulé à des dates différentes pour les 4 autres villes :
- Sapporo à partir du 16 octobre 1994
- Osaka à partir du 23 octobre 1994
- Nagoya à partir du 30 octobre 1994
- Fukuoka à partir du 3 novembre 1994
Pour l’édition de 1995, seules trois des cinq villes ont été désignées pour accueillir l’événement et les éditions de Sapporo et Nagoya n’ont pas été renouvelées (sûrement dû au faible taux de fréquentation de ces deux endroits par rapport aux autres).
P.S. 2 : une sixième date s’est également déroulée la même année le 18 décembre à Hong Kong avec les mêmes modalités de tenue et les mêmes objets exclusifs.
P.S. 3 : sur les sept-mille-cinq-cents chanceux à avoir été tirés au sort au Japon, seuls cinq-mille-deux-cent-sept personnes se sont rendues à l’exposition. Les cartes sans tampon sont donc plus rares que les cartes avec tampon.
L’auteur de cet article tient tout particulièrement à remercier Yinyin de DBZ Collection pour certaines images partagées, ainsi que SSK pour sa photo du catalogue de l’exposition. L’auteur tient à souligner que le déroulement de la journée du petit Shinji est issue de son imagination mais que les différents stands et événements de l’exposition se sont bien déroulés comme expliqué plus haut. Toute ressemblance avec l’histoire du petit Kévin ne serait pas si fortuite.
Une journée riche en émotion ^^
Merci pour la ballade virtuel dans ce salon qui en aurait fait rêver plus d’un 😉